Monastère des dominicaines de Lourdes

 

L'eucharistie

Lecture

Pendant que les disciples mangeaient, Jésus, ayant pris du pain et ayant dit une bénédiction, le rompit et, l’ayant donné aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ». Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâces, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, [le sang] de l’alliance, répandu pour la multitude en vue du pardon des péchés. Je vous le dis : je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père » (Mt 26, 26-29).

Méditation

Du pain, du vin ; manger et boire

La Cène se situe dans le cadre d’un repas juif, le repas pascal. Les disciples sont en train de manger. Matthieu ne dit pas qu’ils sont à table, ou qu’ils prennent un repas ensemble, mais qu’ils mangent. Et Jésus choisit, parmi les aliments qui sont sur la table, du pain et, après avoir dit une bénédiction, il le rompt en autant de morceaux qu’il est nécessaire pour que chaque disciple en ait sa part. Puis il le leur donne à manger. Ce pain, c’est son corps. Ensuite il fait de même avec une coupe de vin. Il rend grâces et la leur donne : c’est son sang.
Jésus leur donne son corps à manger et son sang à boire pendant qu’ils sont en train de manger et de boire une nourriture matérielle.
L’œuvre de Dieu s’inscrit dans les actes les plus fondamentaux de la vie humaine, mais elle les transforme. Le pain, le vin, sont des réalités sensibles, corporelles. Et nous passons de ce contact avec le monde extérieur, au niveau de la vie sociale : à la fraction du pain, au partage de la coupe, à l’action de manger et de boire. Ces actes, qui mettent en relation les hommes les uns avec autres dans le plus quotidien de l’existence, sont eux-mêmes signes de l’Alliance entre Dieu et les hommes, car ils se situent dans le cadre de la liturgie juive. Jésus mène à son accomplissement le dynamisme vital de ce mouvement symbolique. Le pain devient pain de vie divine, nourriture spirituelle, pain de vie partagé avec des frères ; le vin de la coupe devient pardon des péchés.
Grâce au langage symbolique, Jésus nous conduit du niveau sensible au niveau spirituel, sans avoir besoin de faire de grands raisonnements théologiques. Mais dans le monde rationnel où nous vivons, préoccupé de production, de rentabilité, de performance, nous risquons d’être imperméables à ce langage symbolique, à ne plus percevoir la portée de gestes tout simples.

Le pain et le vin, fruits de la création

Le pain et le vin ont encore une autre dimension symbolique : à un niveau purement sensible. Car qu’est-ce que le pain ? Un multitude de grains mûris dans un champ sous le soleil, puis broyés pour faire de la farine ; elle-même est pétrie avec de l’eau de façon à faire une pâte ; puis, passée au four, elle devient un pain. De la multitude des grains de blé, on a abouti à un élément unique ; la multiplicité est devenue une unité. De même pour le vin : il provient d’une multitude de grains de raisin dorés au soleil ; pressés dans la cuve, leur jus coule et se mêle en une seule boisson.
On pressent que ce pain et ce vin, fruits de la création, qui nourrissent notre corps et dont Jésus a fait son corps et son sang, sont symboles d’unité.

Le sang de l’alliance « répandu pour la multitude en vue du pardon des péchés »

Les paroles de Jésus prononcée sur le vin peuvent paraître étranges. Pourquoi du sang pour le pardon des péchés ?
Quelques épisodes de l’Ancien Testament, où le sang occupe une place centrale, peuvent nous aider à comprendre. Nous voyons le sang de l’agneau protéger les israélites lors de leur sortie d’Egypte  (Ex 12, 13). Sur le mont Sinaï, l’alliance entre Dieu et son peuple a été scellée dans le sang  (Ex 24,8). Et saint Pierre écrit dans sa première épître : « Vous avez été rachetés de la vaine conduite héritée de vos pères, par un sang précieux, comme d’un Agneau sans reproche et sans tache, discerné avant la fondation du monde » (1 P 1, 18-20). Le sang de l’agneau pascal, le sang de l’alliance, préfiguraient le sang de l’« Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Pourquoi cette place donnée au sang ? De toute évidence, le dessein de Dieu n’est pas que du sang soit versé, que son Fils meure. Mais le Père, dans un immense amour qui dépasse toute imagination, voulant faire de nous ses fils, a pris en compte le drame de notre fragilité. De toute éternité, avant même que nous existions, il a voulu que nous soyons ses fils, mais des fils adoptifs qui répondent à son amour de Père en toute liberté ; et comme il connaissait la fragilité de notre liberté, il a voulu nous proposer un « remède » en cas de défaillance. L’amour de Dieu est trop grand pour laisser ses enfants choisir leur malheur en errant loin de Lui, sans leur donner la possibilité de revenir à Lui. Connaissant de toute éternité notre capacité de pécher, il a englobé son dessein d’adoption dans un mystère d’amour capable de nous arracher à notre condition de pécheur et à la mort qui en découle.
C’est pourquoi, depuis toujours, nous sommes appelés à être fils à l’intérieur du mystère de l’Agneau, l’Agneau pascal. Le Père ne veut pas ramener de force ses fils prodigues à la maison paternelle, comme un monarque tout-puissant dicterait du haut du ciel ce que doivent faire ses serviteurs. Dieu se devait de les racheter en les laissant libres. S’il a accepté le risque du don de la liberté, ce n’était pas pour le retirer ensuite ! Dieu n’impose pas sa grâce par une puissance contraignante, il la propose en disant : si tu veux. Voulant respecter notre liberté, son Fils nous a arrachés au péché dans une sorte d’impuissance ; il a fait sienne notre faiblesse pour nous faire passer de la mort à la vie. Il est venu lui-même comme un serviteur pour nous proposer son amour, sans l’imposer. Il a accepté en contrepartie le refus le plus violent qui soit : la mise à mort ; il répond à la haine par le pardon. Il verse son sang pour le pardon des péchés de tous. En nous donnant la coupe de son sang, Jésus nous fait communier au dessein du Père. Il communique le feu qui purifie et embrase les cœurs.

La Cène, un sacrifice

Le vin contenu dans la coupe que Jésus donne à ses disciples, devient son sang, le sang de l’alliance que Dieu scelle avec nous, le sang qui nous unit à Dieu. Ce n’est pas le sang par lui-même qui unit à Dieu, mais la charité qui a conduit à le verser, une charité parfaite. Y a-t-il plus grand amour que de donner librement sa vie pour ses frères ? On peut dire que le sang du Seigneur est charité.
Fruit d’une charité parfaite, le sang versé par le Seigneur est un sacrifice parfait. Car, contrairement à ce que l’on pense couramment, ce n’est pas la souffrance qui est l’essentiel du sacrifice, mais l’amour. Seul l’amour unit à Dieu : il est le sacrifice véritable qui conduit au bonheur. La souffrance y est associée dans la mesure où l’amour s’affronte au péché, au refus d’aimer.
Communier au corps et au sang du Seigneur fait donc de notre vie une offrande au Père, un sacrifice, et nous donne le vrai bonheur ; car nous sommes faits pour la communion avec Dieu : là est notre bonheur !

Eucharistie et unité de l’Eglise

En nous donnant son corps et son sang, Jésus fait de nous son Corps : il nous donne de demeurer en lui. Il ne nous donne pas son corps mort, mais son corps vivant, animé par l’Esprit. Lorsque nous mangeons son corps, nous recevons l’Esprit ; nous recevons sa charité, nous recevons sa vie divine. Le sang, c’est la vie, dit l’Ecriture (Cf. Gn 9, 4). Or le cœur même de la vie de Dieu, c’est l’unité, c’est la communion. Le Père et le Fils sont l’un dans l’autre, unis l’un à l’autre par l’Esprit, dans l’Esprit. Nous risquons de chercher l’Esprit dans le merveilleux, oubliant qu’il nous est donné en surabondance dans la simplicité de chaque communion. Chaque eucharistie est une Pentecôte !
L’eucharistie, lieu du don de l’Esprit, est vraiment le sacrement de la communion : communion avec le Christ, communion avec les autres membres du Corps, communion avec la Trinité. L’eucharistie est tellement le sacrement de la communion que « communion » a fini par désigner la participation au corps et au sang du Christ.
Car, de même que la nourriture fortifie notre corps, nous fait grandir, de même le corps et le sang du Christ que nous mangeons font grandir le Corps du Christ en renforçant son unité. En mangeant le corps du Christ, nous devenons ce que nous mangeons : le Corps du Christ ! L’union à Jésus s’intensifie et par là l’union au Père. Nous n’assimilons pas cette nourriture en la transformant en nous-même, mais elle nous assimile et nous transforme en elle.

Le vin nouveau

Le soir de la Cène, le Seigneur boit avec ses disciples du fruit de la vigne. Dans le Royaume, il boira avec nous le fruit d’une autre vigne. Jésus greffe en effet sur le cep qu’il est lui-même, par la charité, ceux qui boivent le vin transformé en son sang. Son sang en fait des sarments vigoureux qui produisent beaucoup de fruit. Ils produisent un vin nouveau, le vin de l’amour.
Dans le Royaume, celui qui nous a donné son sang à boire, boira du vin des grappes que portent ses sarments. Son sang est le vin de la charité ; la charité des sarments est le vin nouveau. C’est ce vin qui sera servi au banquet du Royaume, c’est de ce vin que le Seigneur boira avec nous. Lui sera en nous et nous en Lui : sacrifice éternel à la gloire du Père.

 

Prière

Prions pour les prêtres ; que l’eucharistie nourrisse leur vie, leur prière et leur ministère. Qu’elle les transforme en offrandes à la gloire du Père.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- qui célébra la Cène avant d’être livré
- qui confia à l’Eglise le sacrifice nouveau et éternel et le repas de son amour
- qui nous offre au Père en s’offrant lui-même
- qui, par son corps et son sang, nous donne son Esprit
- qui rétablit la communion entre Dieu et les hommes
- Pain qui fait de l’Eglise un seul Corps
- Pain qui nourrit notre corps en vue de la résurrection
- Pain qui fait grandir en nous la vie divine
- Pain qui nous conduit au bonheur
- Pain de Vie
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.

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